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La crise sanitaire sans précédent que l’Europe et le monde subissent actuellement démontre cruellement la fragilité des chaînes de valeurs mondialisées et les méfaits de la concentration de la production mondiale de biens manufacturés dans quelques pays. 

Comme annoncé·e·s dans le Pacte vert pour l’Europe, la Commission européenne a lancé les 11 et 12 mars 2020 sa communication sur « Une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe » ainsi que son « Plan d’Action pour une Economie Circulaire ». Autant de propositions stratégiques visant à transformer l’économie européenne en vue de la mener vers la neutralité carbone d’ici à 2050.

Nous, signataires de la présente tribune, accueillons avec intérêt lesdites communications. Mais, au regard de la crise que nous traversons, il nous semble impératif d’intégrer dès maintenant dans cette nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe des mesures qui favorisent la relocalisation de certaines industries en Europe. Et dans cette perspective, alors que la crise sanitaire a favorisé l’émergence de solidarités locales remarquables, tant économiques qu’humaines, au sein des entreprises et des territoires, nous souhaitons attirer l’attention de la Commission européenne, du Parlement européen et du Conseil de l’UE, sur une dynamique qui gagnerait, à notre sens, à être davantage prise en compte dans ces stratégies, à savoir l’ancrage territorial de l’industrie.

En effet, si repenser l’industrie actuelle, notamment l’industrie énergo-intensive, afin qu’elle s’inscrive dans la transition, est une nécessité ; il est tout aussi important de favoriser son ancrage dans le territoire afin qu’elle puisse mieux répondre aux besoins de ses habitant.e.s.et qu’elle se développe en solidarité avec son écosystème économique et d’innovation locale, notamment dans les villes, qui concentrent 70 % de la population européenne.

L’activité productive que nous voulons développer et promouvoir afin de faire de nos villes et régions des leaders de la transition est une industrie qui :

  • s’insère en harmonie avec les riverain·e·s au cœur de nos lieux de vie favorisant ainsi la mixité des fonctions urbaines : en réinvestissant et réhabilitant par exemple les anciens sites de production ou les friches industrielles, et en concevant de nouvelles formes de bâtiments industriels, plus denses, verticales, économes en énergie et sur le plan de la gestion du foncier, cette activité productive contribue à la redynamisation de nos territoires
  • innove en réutilisant les déchets que nous produisons afin de créer de nouveaux produits, et en appliquant les principes de l’économie circulaire et de la fonctionnalité
  • valorise les chaînes de valeur locales, selon la logique « designed / made / repaired / locally», privilégie les solidarités économiques et les circuits courts et contribue à la résilience des villes et des régions
  • attire et emploie les talents locaux en vue de produire des biens dont les habitant·e·s ont directement besoin
  • stimule la créativité des makers et autres communautés innovantes sur nos territoires
  • s’engage résolument en terme de responsabilité sociale et environnementale et contribue à promouvoir les nouvelles structures organisationnelles et de gouvernance, de types coopératives de travailleur·se·s, ainsi que l’entreprenariat social, démocratique et solidaire
  • participe à la lutte contre – et à l’adaptation au changement climatique, tant en regard de sa consommation de ressources et d’énergie que dans les déplacements engendrés
  • collabore avec les villes et régions, les instituts de recherche et les autorités européennes, à l’expérimentation et la mise au point de nouvelles formes urbaines mixtes, de modèles économiques et financiers inédits et d’approches organisationnelles innovantes.

Cette industrie-là redéfinit le triptyque « production, distribution, consommation ». C’est en effet par l’inclusion dans les territoires que l’industrie pourra jouer son rôle productif en répondant aux besoins des citoyen·ne·s, tout en respectant les limites de l’environnement dans lequel elle s’insère et en prenant en compte le bien-être des habitant·e·s.

Nous, signataires de la présente tribune, sommes également convaincu·e·s que la transition industrielle que nous appelons de nos vœux peut être accélérée par les outils financiers mobilisables à notre niveau. A cet égard, nous pouvons nous emparer de la taxonomie européenne qui classe les activités économiques durables et alerte ainsi les investisseurs dans leurs choix financiers. Chaque jour, nous mettons tout en œuvre pour orienter les investissements réalisés par nos territoires vers des projets – notamment industriels – qui contribuent à la transition écologique de notre économie. Nous soutenons les institutions européennes dans leur travail d’approfondissement de la dynamique afin d’offrir un cadre commun, où sont clairement définis les produits financiers répondant à des exigences de durabilité élevées.

Nous sommes néanmoins conscient·e·s que la promotion de cette activité productive locale, socialement et environnementalement responsable devrait être accompagnée d’un changement de paradigme dans les fondements de la politique commerciale et d’échanges – ne se basant plus uniquement sur le signal prix (le plus bas), mais sur l’obligation de respecter les objectifs du développement durable.

Nous appelons toutes les villes et régions européennes désireuses d’ancrer leurs capacités productives dans leur territoire, à rejoindre cet appel pour une industrie locale, décarbonée, circulaire et humaine. Et nous appelons la Commission, le Parlement et le Conseil, à intégrer cette dimension dans la stratégie industrielle européenne.

Notre démarche ne s’inscrit certainement pas dans une logique de repli sur soi, mais dans un esprit de valorisation des savoir-faire locaux, de stimulation et de résilience d’écosystèmes productifs riches et variés, qui peuvent trouver des solutions durables et innovantes à des besoins réels, tout en faisant circuler les bonnes pratiques, et en stimulant les échanges et la solidarité économique locale entre villes et régions à l’échelle européenne. Après cette crise sanitaire majeure et ses impacts dramatiques sur l’économie, la reconstruction d’une Europe prospère passe par des territoires résilients. Une politique industrielle en soutien et en cohérence avec les dynamiques locales en est l’un des piliers.

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